Le nord-est de l’Alberta fait partie intégrante de l’un des plus grands écosystèmes de forêt boréale de la planète. Il s’agit d’une région sauvage qui couvre près de la moitié de la province. On y trouve plusieurs rivières qui se jettent dans le bassin versant de l’océan Arctique (en anglais) à partir des Rocheuses, dont la rivière Athabasca. Les aînés autochtones racontent que des troupeaux de caribous des bois se déplaçaient autrefois sur les eaux gelées de cette puissante rivière.

Aujourd’hui, il est difficile d’y observer les caribous. Ces derniers font plutôt partie des histoires transmises de génération en génération par les peuples autochtones qui vivent dans cette région. Cela est en grande partie dû aux répercussions cumulatives des industries pétrolière et gazière, minière et forestière qui ont empiété sur l’habitat du caribou, altérant celui-ci et facilitant l’accès pour leurs prédateurs. Malgré des décennies d’efforts pour rétablir la situation, elle demeure désastreuse, les populations de caribous étant en déclin en Alberta (en anglais).

« Nous avons largement dépassé le stade de l’assistance vitale, déclare Carolyn Campbell, directrice de la conservation de l’Alberta Wilderness Association (en anglais). Nous n’avons pas le droit de provoquer l’extinction locale du caribou de l’Alberta en l’espace d’une seule vie ».

Toutefois, avec ses tenures forestières et ses concessions pétrolières et gazières qui se chevauchent, le nord-est de l’Alberta est sans doute l’endroit au sein de la région boréale canadienne où il est le plus difficile de mettre en œuvre des mesures de conservation du caribou .

« Les répercussions des industries des sables bitumineux, du pétrole, du gaz naturel, des métaux, des minéraux, du sable, du gravier et de la foresterie, ainsi que les préoccupations relatives à l’utilisation des terres autochtones et aux effets sur le carbone et l’eau, ont créé un environnement complexe », explique Mme Campbell. Elle ajoute que les changements climatiques et l’augmentation du nombre de feux de forêt compliquent davantage la situation.

partenaires engagés qui sont prêts à faire le nécessaire pour conserver ou restaurer leur habitat au sein du paysage boréal. Une série de collaborations prometteuses est en cours entre le leader de l’industrie Alberta-Pacific Forest Industries inc. (Al-Pac), les membres du secteur énergétique de la Regional Industry Caribou Collaboration (en anglais), les collaborateurs de l’Alberta Regional Caribou Knowledge Partnership (en anglais), le gouvernement de l’Alberta, des groupes environnementaux tels que l’Alberta Wilderness Association (AWA), Canards Illimités Canada et la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP), et de Premières Nations incluant les communautés de Fort McKay, Cold Lake, Chipewyan Prairie, Heart Lake, Mikisew Cree, Athabasca Chipewyan et autres.

Les exigences du FSC Canada en lien avec le caribou sont au cœur de ces efforts. Elles font partie de la nouvelle norme nationale d’aménagement forestier, qui soutient la stratégie fédérale de rétablissement du caribou des bois boréal élaborée en 2012, en vertu de la Loi sur les espèces en péril. Le FSC ne certifiera aucune entreprise ne respectant pas les exigences spécifiques en matière de conservation du caribou. Aussi les gestionnaires forestiers doivent-ils établir des stratégies d’aménagement fondées sur les meilleurs outils scientifiques et d’évaluation et d’atténuation des risques qui soient relativement à l’habitat du caribou des bois. Cela suppose notamment de réduire au minimum la construction de chemins, de ne pas mener d’activités d’exploitation durant la saison de reproduction des caribous et de réduire au minimum les perturbations à l’échelle des paysages en coordonnant les activités forestières et les autres activités industrielles.

Al-Pac, le plus grand producteur de pâte kraft à chaîne unique en Amérique du Nord, mène des activités forestières en plein cœur d’un paysage très complexe dans le nord-est de l’Alberta. En fait, avec environ 6 millions d’hectares, c’est l’une des plus grandes zones d’aménagement forestier du Canada et la plus vaste forêt certifiée FSC du monde.

Pour répondre à la norme FSC, Al-Pac a cherché de nouveaux moyens de réduire l’empreinte humaine. Pour ce faire, l’entreprise programme et reporte stratégiquement des secteurs de coupe, sélectionne les zones de récolte où il y a peu ou pas de caribous et, surtout, collabore aux efforts de restauration de l’habitat du caribou.

« Le meilleur moment pour mettre en œuvre des mesures de conservation du caribou était il y a 10 ans, et le deuxième, c’est maintenant, déclare Elston Dzus, écologiste forestier d’Al-Pac. Nous ne pouvons pas attendre plus longtemps ».
Cliff Wallis, directeur de l’AWA, a même utilisé la norme FSC dans des zones non certifiées et a constaté qu’elle servait d’outil pour montrer clairement une nouvelle voie.

« Le FSC démontre qu’il est possible pour les industries de réaliser leurs activités sur un vaste territoire tout en protégeant les droits des peuples autochtones et en préservant les caribous sur ce territoire, explique M. Wallis. La norme est une source d’inspiration qui permet d’aider les entreprises à reconnaître que les anciennes méthodes d’aménagement forestier ne suffisent plus ».

caribou

La zone couverte par l’accord d’aménagement forestier sur les activités d’Al-Pac abrite six hardes de caribous, qui sont toutes considérées comme étant en danger. Afin de prioriser la conservation de l’habitat du caribou, Al-Pac savait qu’elle devait écouter les points de vue divers des utilisateurs de ces terres. Par exemple, concernant l’aire de répartition du caribou de Red Earth, l’entreprise a tenu compte des connaissances historiques des communautés autochtones locales afin d’orienter les plans de restauration de trois zones clés.

« Avant de planifier une coupe, Al-Pac envoie une équipe pendant plusieurs semaines pour explorer le terrain, comprendre l’écologie et la faune et voir à quoi ressemble le bloc de coupe avant son exploitation », explique Ryan Abel de la Première Nation de Fort McKay. Il affirme qu’Al-Pac travaille en partenariat avec sa communauté depuis plus de dix ans en faveur du développement durable : « Il s’agit d’un impressionnant engagement hors du commun de la part de l’industrie. »

De plus, Al-Pac a encouragé d’autres entreprises forestières et énergétiques de la région à contribuer à cette mission.
« La conservation du caribou est un problème d’effets cumulatifs et nécessite donc des solutions aux effets cumulatifs, explique Elston Dzus d’Al-Pac. La collaboration est essentielle pour mettre en œuvre des mesures de conservation significatives. »

Gillian Chow-Fraser, responsable du programme boréal de la SNAP (Société pour la nature et les parcs du Canada) pour le nord de l’Alberta, affirme que la planification avec Al-Pac est animée par un esprit de collaboration plutôt que de négociation pure et simple, ce qui a permis d’établir une base de confiance nécessaire.

« Il s’agit d’un acteur majeur de l’industrie qui croit en la science, qui est très orienté vers les solutions et qui, parce qu’il s’est engagé à respecter les normes élevées du FSC pour le caribou, peut nous aider à faire des progrès substantiels sans perdre notre élan, contrairement aux entreprises forestières moins engagées », explique Mme Chow-Fraser.

Seismic lines

Ensemble, les partenaires de cette collaboration trouvent des solutions créatives pour restaurer l’habitat du caribou dans le nord-est de l’Alberta. L’élément central de la stratégie est la poursuite d’un travail de dix ans avec les groupes autochtones et la mise en place de nouveaux efforts avec d’autres industries, en particulier l’industrie énergétique, pour restaurer des milliers de kilomètres d’anciens profils sismiques dans toute la région.

Les profils sismiques sont des formations linéaires dans les forêts où les arbres ont été historiquement rasés au bulldozer pour permettre aux compagnies pétrolières et gazières, surtout, d’explorer le potentiel en ressources naturelles sur le terrain. Ces activités ont eu pour conséquences de dégrader le paysage et de permettre aux prédateurs, notamment les loups, d’avoir plus facilement accès aux caribous déjà menacés. En fait, les loups seraient la principale cause de mortalité des caribous des bois. Ils peuvent augmenter leur vitesse de chasse de 300 pour cent (en anglais) en parcourant les profils sismiques créés au fil des décennies.

La restauration des habitats commence par la plantation d’arbres et le retour des forêts à leur état naturel. Al-Pac a déjà entamé ce travail avec la collaboration des membres de la Regional Industry Caribou Collaboration. Même la croissance précoce d’un mètre d’arbustes ou d’arbres peut ralentir considérablement les déplacements des prédateurs du caribou.

« Bien que la restauration de l’habitat s’avère une tâche énorme, elle permet de s’attaquer aux menaces qui pèsent sur les caribous et de les atténuer à court terme », déclare Mme Chow-Fraser.

alpac

Selon Cliff Wallis, les perspectives autochtones sont essentielles pour restaurer le paysage boréal du caribou des bois.

« En tant que scientifiques, nous disposons de quelques décennies de connaissances, tandis que les peuples autochtones possèdent des connaissances millénaires, explique-t-il. Ils savaient où les caribous se déplaçaient à certaines périodes et où se trouvaient leurs habitats. Ces connaissances traditionnelles sont essentielles pour mettre en place les plans de restauration actuels et futurs. »

« Notre fenêtre pour protéger le caribou ne restera ouverte qu’un certain temps, déclare Ryan Abel, de la Première Nation de Fort McKay. Nous sommes fiers de participer à ces efforts pour restaurer son habitat. »

À la SNAP du nord de l’Alberta, Mme Chow-Fraser convient qu’un groupe diversifié composé de représentants de l’industrie et des communautés autochtones est essentiel afin d’assurer la pérennité du caribou. « Ce sont là des débuts de discussions difficiles, mais impératives et importantes, qui sont menées, avec raison, par les peuples autochtones de la région », dit-elle.

Ainsi, si la Loi sur les espèces en péril a jeté les bases du changement il y a vingt ans, ce sont les efforts de collaboration d’aujourd’hui, comme ceux fondés sur les attentes créées par la norme FSC, qui contribueront à la conservation du caribou de façon significative et durable.

Malgré les circonstances difficiles, ces efforts unifiés aideront à faire de cette espèce importante et indicatrice de la santé des forêts une présence plus importante dans le nord de l’Alberta. Et avec un peu de chance, son observation ne sera plus uniquement un souvenir lointain transmis de génération en génération.