Chaque printemps, dans les forêts boréales de Chapleau, en Ontario, non loin de la côte du lac Supérieur, de jeunes autochtones locaux entreprennent d’entailler des bouleaux pour produire du sirop à partir de l’eau récoltée. En juin, après la sortie des lucioles, ils retournent récolter l’écorce de bouleau utilisée dans la fabrication de canoës et de paniers.
Ces gardiens de la forêt en herbe sont membres d’un programme d’autonomisation de jeunes géré par Wahkohtowin Development – une entreprise sociale dirigée par des Autochtones et ancrée dans la foresterie durable, qui sert et soutient trois Premières Nations propriétaires locales : la Première Nation de Brunswick House, la Première Nation des Cris de Chapleau et la Première Nation des Cris de Missanabie.
« Une partie de notre lien culturel et spirituel est la conviction que nous faisons tout pour interagir pleinement avec cet écosystème : tout comme l’oiseau, la nymphe mobile, le marcheur, le nageur, nous dépendons tous les uns des autres, explique l’Ojibwé David Flood (alias Strong Wolf), directeur général de Wahkohtowin. Notre religion spirituelle s’inscrit dans ce paysage. »
Wahkohtowin poursuit sa mission dans le respect et avec la collaboration de GreenFirst, une entreprise locale de produits forestiers. Leur relation solide est fondée sur la confiance, en partie grâce au fait que GreenFirst détient la certification FSC depuis près de 20 ans. L’entreprise s’engage ainsi à respecter les droits des Autochtones.
Chris McDonell, forestier en chef responsable de l’Ontario pour GreenFirst, affirme que la norme FSC a contribué à approfondir sa relation avec Wahkohtowin en lui permettant de mieux comprendre les perspectives et les objectifs des Premières Nations.
« Alors que les intérêts de l’industrie et des Premières Nations peuvent parfois sembler éloignés les uns des autres, j’ai été témoin de tellement de cas où des praticiens autochtones et non autochtones sont ensemble dans le bois et intègrent leurs perspectives dans notre objectif commun d’une gestion durable des forêts, affirme Chris.
De concert avec Wahkohtowin, nous avons modifié des pratiques hors du cadre des normes, en nous efforçant de concilier les pratiques forestières modernes et les intérêts des communautés », explique-t-il, ajoutant que leur partenariat a permis de conserver des terres à des fins culturelles, notamment pour la production de sirop de bouleau et la protection de l’habitat des orignaux. Ils font également participer de jeunes autochtones à des enquêtes et des évaluations visant à mieux renouveler les forêts.
Appui du consentement libre, donné librement et en connaissance de cause (CPLCC)
Historiquement, l’inclusion formelle des intérêts autochtones n’a pas été une priorité à l’échelle mondiale. En effet, le consentement donné librement et en connaissance de cause (CPLCC), un droit propre aux peuples autochtones, est désormais reconnu dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) – une déclaration adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies il y a tout juste 15 ans.
Le FSC soutient activement le CPLCC et exige que tous les propriétaires et gestionnaires de forêts certifiées respectent ses principes afin d’obtenir leur certification et la conserver. Ainsi, chaque communauté autochtone accorde, refuse ou retire son consentement relativement à des projets et activités ayant une incidence sur ses droits, conformément à la DNUDPA et à la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail.
« Ce que fait le FSC à l’échelle mondiale et ici même au Canada, en mettant en œuvre la DNUDPA et le CPLCC dans la nouvelle norme nationale d’aménagement forestier, non seulement ouvre la porte à des débouchés économiques et à la participation des communautés, mais aussi favorise la résilience des écosystèmes », explique David Flood.
Selon François Dufresne, président et chef de la direction du FSC Canada, cette norme oblige les acteurs de l’industrie à prendre des mesures.
« L’objectif est simple. Lorsque les consommateurs voient le logo du FSC, ils savent qu’ils soutiennent une entreprise qui ne se contente pas de suivre le statu quo, mais qui poursuit un modèle mondial durable de ce que devrait être la foresterie. »
Une vision holistique de la forêt
Près de 1,7 million de personnes qui s’identifient comme Autochtones (Premières Nations, Métis et Inuits) vivent dans plus de 600 communautés réparties partout au Canada et la grande majorité de ces personnes dépend des forêts pour leur souveraineté alimentaire, leur sécurité alimentaire, leurs médicaments, leur eau potable et leur spiritualité. Il y a également une dépendance des forêts pour la fibre de bois, dont la demande augmente partout dans le monde. Il faut donc trouver un juste équilibre entre l’industrie et la conservation.
Wahkohtowin parvient à cet équilibre en collaborant directement avec l’industrie et en investissant dans la foresterie durable de concert avec des partenaires certifiés FSC. L’entreprise en tire des avantages économiques ainsi que la possibilité de développer ses communautés et de léguer des terres en bonne santé à tout le monde.
Kevin Tangie (alias Big Knife) est titulaire du portefeuille du développement économique des terres et des ressources pour la Première Nation de Brunswick House. « Je suis fier que nos communautés soient maintenant beaucoup mieux éduquées et qu’elles aient aujourd’hui une voix, dit-il. Wahkohtowin nous aide à obtenir plus de souveraineté, à renforcer notre influence sur ces terres et à aider nos communautés des Premières Nations à comprendre la situation dans son ensemble. »
Pour les gardiens de la forêt en herbe de Chapleau, les efforts déployés pour aménager la forêt vont bien au-delà de produits provenant de sources durables. Ces jeunes font partie du programme des gardiens de Wahkohtowin, grâce auquel ils renouent avec leur terre et leur culture.
« Nous essayons de favoriser un sentiment d’identité et de communauté, et voulons transmettre l’amour et les connaissances que nos ancêtres nous ont légués de génération en génération, explique Christina Bekintis (alias Fire Wolf) du Clan de l’Aigle, qui coordonne les efforts de revitalisation culturelle pour Wahkohtowin. « Qu’il s’agisse de construire un canoë ou d’apprendre nos chansons, notre langue, les médicaments ou d’être sur la terre. »
De nombreux peuples autochtones sont attachés au principe de la septième génération, selon lequel les décisions prises aujourd’hui doivent mener à un monde durable dans sept générations.
« Tout est lié et une grande partie de ce que nous faisons consiste à comprendre que nous ne sommes pas supérieurs à mère Nature, mais plutôt que nous en faisons partie, explique Amberly Quakegesic (alias Rainbow Woman) de la Première Nation de Brunswick House.
Sachant que la survie des animaux dépend de la nature, nous avons besoin de tout pour survivre : de l’eau, des arbres, de l’air. Et nous en aurons besoin à tout jamais, alors c’est ainsi que nous devons penser. »