Il y a un an, le FSC a introduit une nouvelle norme nationale en matière d’aménagement forestier responsable. Il s’engageait ainsi à s’assurer que les forêts canadiennes répondent aux besoins sociaux, écologiques et économiques des générations actuelles et futures. Si ces besoins sont essentiels, ils ne le sont pas plus que ceux de nos peuples autochtones, qui se battent encore aujourd’hui pour être inclus dans la prise de décisions entourant l’usage de leur territoire traditionnel, et dont le racisme systémique demeure toujours un obstacle à l’avancement.

Les forêts font partie intégrante du tissu des communautés autochtones, qui, depuis bien avant l’apparition du mot « Canada » en dépendent pour se nourrir, se soigner et s’abriter ainsi que pour leur système de valeurs spirituelles et culturelles. Plus tard, les forêts ont laissé entrevoir des perspectives économiques pour les communautés des Premières Nations, mais ces communautés sont demeurées en marge du progrès et des profits, étant exclues de la conversation.

Pour marquer la Journée nationale des peuples autochtones, nous devons reconnaître d’où nous venons et savoir vers où nous nous dirigeons pour bâtir des relations fructueuses et durables avec les 1,6 million d’Autochtones au pays, dont 70 pour cent vivent dans les forêts ou à proximité de celles-ci. La nouvelle norme FSC d’aménagement forestier durable renforce et clarifie la nécessité profonde d’un consentement libre, préalable et éclairé (une exigence clé des lois internationales sur les droits de la personne) et pousse toutes les parties prenantes à défendre ces droits. Si le travail ne s’arrête pas là, la norme est un pas important vers un changement significatif.

Dans l’industrie forestière, les peuples autochtones ont longtemps été relégués aux marges, occupant des postes de foresterie exigeants et sous-payés, et n’étant pas en mesure d’établir leurs propres usines et compagnies d’exploitation ou de s’organiser pour obtenir la tenure des terres.

« Le changement a pris du temps à s’opérer pour qu’on passe de politiques d’extinction et d’exclusion à des approches de coexistence en faveur d’intérêts autochtones dans les entreprises forestières, explique David Flood, un membre de la Première Nation de Matachewan, en Ontario, et le président du conseil d’administration du FSC Canada. Dans le passé, les provinces n’ont tout simplement pas assumé la responsabilité d’engager des consultations et des négociations avec les groupes autochtones. »

Même avant la Confédération, le Canada a signé des traités pour coexister avec les peuples autochtones, mais voir au respect de ces obligations issues des traitées a été un processus long et ardu qui a nécessité de nombreux passages devant les tribunaux. En 2014, la Cour suprême a reconnu pour la première fois le titre ancestral et la souveraineté d’une Première Nation; depuis, les membres des communautés autochtones ont de fortes attentes relatives à la mise en œuvre d’un changement de nation à nation qui mènera à une prospérité accrue.

« Or, la réalité, c’est que nos communautés n’ont pas les ressources ni l’infrastructure pour participer aux discussions dont elles sont exclues depuis des décennies, indique Lorraine Rekmans, membre du conseil d’administration du FSC d’ascendance algonquine et militante très engagée dans l’activisme politique et social. La plupart des communautés n’ont tout simplement pas d’unité de foresterie ni de technicien en foresterie. Ils n’ont donc pas d’avenue pour participer à la prise de décisions relatives à l’aménagement forestier. »

Depuis ses débuts, le FSC aspire à mettre en place des exigences pour la certification des forêts qui donnent lieu à des bienfaits tangibles pour les peuples autochtones et le secteur dans son ensemble. Outre le « principe 3 » qui vise à identifier et à honorer les droits coutumiers et légaux des peuples autochtones en matière de propriété, d’utilisation et de gestion des terres, des territoires et des ressources touchés par les activités d’aménagement, le FSC Canada a établi une quatrième « chambre » pour les peuples autochtones en 1993, laquelle venait s’ajouter à ses chambres sociale, environnementale et économique existantes.

Puis, le FSC a travaillé pour mener à bien sa nouvelle norme lancée en 2019, laquelle se base sur six ans de consultation avec toutes les parties prenantes afin de répondre aux attentes en matière d’aménagement forestier, unifiées à l’échelle du Canada. En plus de lignes directrices claires sur le consentement libre, préalable et éclairé, la nouvelle norme comprend des indicateurs liés au principe 3. Ces éléments de base montrent comment l’industrie peut défendre les droits des peuples autochtones et poussent celle-ci à traiter les Premières Nations avec respect dans un processus d’entente directe.

« La nouvelle norme met d’abord et avant tout en lumière les plus grandes lacunes d’un bout à l’autre du pays relatives à la participation des communautés autochtones à l’atteinte d’un aménagement forestier durable pour leurs terres natales, explique M. Flood. Nous ne pouvons pas attendre encore des décennies pour qu’un changement fondamental soit mis en place. La nouvelle norme représente un grand pas vers l’avant. Il n’est pas nécessaire d’apprendre d’abord à marcher. Nous pouvons courir! »

Toutes les parties prenantes du domaine de la foresterie doivent urgemment déployer des efforts pour sensibiliser l’opinion publique aux droits des peuples autochtones et soulever l’intérêt dans les politiques relatives aux forêts. Mme Rekmans affirme qu’il faut avant tout écouter ces communautés, comprendre leur histoire partagée avec la terre et le respect inhérent qu’ils ont pour l’environnement.

« Adopter une telle approche et toujours ouvrir la porte aux peuples autochtones produira des bienfaits pour tout le monde à long terme », dit-elle.

Elle ajoute que cette conversation doit aller dans les deux sens, puisque les communautés des Premières Nations qui vivent dans des forêts certifiées FSC ou à proximité de celles-ci doivent comprendre les avantages qu’elles retirent des efforts comme la Norme. À cette fin, le FSC vise à sensibiliser les membres de plus de 150 de ces communautés afin qu’elles puissent tirer profit de la nouvelle norme pour s’assurer une plus grande prospérité économique.

Entre-temps, l’heure a sonné pour la défense des droits forestiers des peuples autochtones à tous les niveaux, et plus particulièrement à l’échelon provincial, où les gouvernements ont été lents à mettre en place des accommodements.

« Le FSC a une vaste sphère d’influence parmi ses partenaires industriels, le gouvernement fédéral et d’autres organismes de financement, et il peut être un puissant allié pour les peuples autochtones, maintient Mme Rekmans. Et bien qu’il y ait énormément de travail à faire dans ce secteur, le FSC a mis les droits et les titres des peuples autochtones au premier plan des pratiques forestières, et poussera les gouvernements à emboîter le pas en respectant et en honorant ces communautés. »

Les efforts du FSC pour bâtir des relations à long terme entre les peuples autochtones, les industries et les communautés locales aident à l’avènement de pratiques d’aménagement forestier durables qui respectent les droits des Premières Nations du Canada.

Prenons par exemple l’amalgamation proposée de la forêt Martel-Magpie près des municipalités de Chapleau, de Dubreuville et de Wawa, en Ontario, où un nouveau plan d’aménagement forestier est en cours. Un nouveau conseil unifié est formé de membres des Premières Nations, d’acteurs de l’industrie et de représentants des municipalités, qui dépendent tous des forêts pour assurer leur subsistance. Grâce à la certification du FSC, ils sont prêts à militer pour de réels changements en faveur de la durabilité. Pour ce faire, ils appellent la province de l’Ontario à assumer sa responsabilité de financer et de tenir des consultations, et s’attachent à lutter contre les changements climatiques par une gestion du carbone.

« Une collaboration comme celle-là n’aurait pas vu le jour il y a dix ans, indique David Flood. En lieu et place d’un soutien gouvernemental, les citoyens, l’industrie et les municipalités d’ici travaillent ensemble parce qu’ils savent qu’ils sont tous dans le même bateau. Nous vivons, respirons et jouons tous dans les mêmes forêts. Nous sommes plus forts et mieux à même de bâtir le meilleur avenir qui soit et de préconiser ce qui est nécessaire lorsque nous travaillons ensemble. »

Avec de nouveaux partenariats comme celui-là, construits par toutes les parties prenantes des forêts, les communautés autochtones commencent à accéder aux ressources dont elles ont besoin pour amplifier leur voix dans les conversations nationales sur les moyens de conserver les forêts pour tous, pour toujours. Bien que ces débuts soient prometteurs, il reste beaucoup de travail à faire puisque seulement environ 40 des plus de 630 communautés autochtones d’un bout à l’autre du Canada ont un vrai service chargé des terres et des ressources.

Mme Rekmans se dit encouragée par cette collaboration au sein de la société civile pour défendre le principe 3 et les droits des peuples autochtones dans cette région. « Ce n’est pas seulement la bonne chose à faire, c’est nécessaire, dit-elle. Nous avons un retard de plusieurs siècles à rattraper. »