Publication originale : Wildsight

Il y a quelques jours, j’ai passé la journée dans la forêt près d’Invermere avec deux forestiers de Canfor, un éleveur local et le président du club local de chasse et de pêche. L’objectif de cette journée? S’assurer que les plans d’exploitation de Canfor n’auraient aucun impact négatif sur les chèvres de montagne qui traversent la région en route vers les terres salines bordant le ruisseau Toby.

Pour minimiser les impacts sur les chèvres de montagne, consulter des cartes ne suffisait pas. Nous devions nous rendre sur le terrain pour établir l’emplacement des sentiers empruntés par les chèvres et déterminer comment les plans d’exploitation [de Canfor] risquaient de nuire à leur utilisation de ces sentiers. L’exploitation de la forêt faciliterait-elle la vie aux prédateurs des chèvres? La région deviendrait-elle plus accessible aux humains?

Tout indique que les niveaux de population de chèvres dans la région d’East Kootenay sont inversement proportionnels à l’accessibilité de la région par les humains. Les populations de chèvres dans les secteurs isolés continuent de prospérer, tandis que celles qui sont exposées à une interaction humaine régulière déclinent à un rythme alarmant. Notre défi consistait donc à évaluer les impacts non seulement des plans d’exploitation, mais aussi de l’aménagement des routes et des sentiers découlant de ces plans.

L’exploitation forestière continue néanmoins d’avoir un impact considérable sur le territoire et les paysages ayant été exploités sont rarement beaux à voir. Wildsight et d’autres organismes n’ont qu’une capacité limitée d’évaluer les zones menacées d’exploitation et de se prononcer sur les plans d’exploitation proposés. Des changements plus profonds que ceux obtenus par la négociation de blocs individuels sont requis. Wildsight continue d’exercer des pressions pour l’aménagement d’un plus grand nombre de parcs et de zones protégées, une réduction de la coupe totale annuelle permise et d’autres modifications en matière de politique forestière.

Canfor sait que les gens portent attention et que la différence est perceptible au quotidien. Grâce à l’apport de ses propres biologistes, l’entreprise est de plus en plus sensibilisée aux valeurs écologiques fondamentales qui doivent être protégées. Il n’est pas toujours facile pour Wildsight, les acteurs de l’industrie forestière, les éleveurs, les chasseurs, les adeptes du plein air et les employés gouvernementaux de travailler ensemble, mais nous réussissons souvent à trouver des solutions par amour commun pour la faune et les espaces sauvages.

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Nous avons donc grimpé la montagne, parsemée d’arbres abattus par le vent et d’arbustes d’azalées. Les deux chiens qui nous accompagnaient, Pema et Sable, n’étaient pas des plus heureux à se frayer un chemin dans le chablis. De temps à autre, Sable s’arrêtait et émettait des aboiements de frustration avant de poursuivre. Lorsque nous nous sommes arrêtés aux abords d’un ruisseau dans la montagne pour y boire de l’eau, deux martres sont apparus devant nous dans la fraîcheur de la forêt riveraine.

Lorsque nous sommes enfin arrivés à la zone d’exploitation proposée, nous avons rapidement repéré le sentier bien défini emprunté par les chèvres et nous nous sommes mis d’aussitôt au travail pour éviter de perturber ce corridor crucial au déplacement des chèvres. Après beaucoup de discussion, y compris avec le biologiste principal de l’entreprise par téléphone mains-libres, les forestiers de Canfor responsables de l’exploitation et de la planification ont convenu de ne pas exploiter la forêt dans une partie d’un bloc situé près du sentier faunique. Canfor y éliminera toute trace des routes et retirera le pont temporaire afin d’en réduire l’accessibilité aux humains. Enfin, l’entreprise replantera moins d’arbres près de l’habitat des chèvres afin de créer une forêt moins dense pour permettre aux chèvres de repérer et d’éviter les prédateurs plus facilement.

Nous sommes redescendus ensemble par grande chaleur, tout en sueur, mais satisfaits de notre entente. Nous avions bien hâte de franchir ce dernier ruisseau sur notre chemin. Les chiens ont sauté à l’eau et nous en avons profité pour nous asperger le visage d’eau bien fraîche.

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À la fin de la journée, j’ai réfléchi à ce qui venait de se produire et à comment ça devient de plus en plus commun : des parties aux intérêts concurrents ont réussi à trouver un terrain d’entente sur la gestion de cette partie de la forêt. Tout le monde avait à cœur la santé de la population de chèvres et a travaillé ensemble à la recherche de solutions.

Canfor, qui est responsable d’exploiter la forêt sans nuire à la santé de la faune ou de l’écosystème, a choisi de travailler avec notre communauté et d’obtenir une certification forestière reconnue, celle du Forest Stewardship Council. Cette certification exige la prise en compte des préoccupations de toutes les parties prenantes dans le processus de planification. Par conséquent, c’est devenu la norme que la communauté participe aux décisions en matière d’aménagement de la forêt de concert avec Canfor dans la région d’East Kootenay. Malheureusement, de telles relations demeurent l’exception plutôt que la règle dans la majorité de la province.

Wildsight, de concert avec des biologistes du gouvernement, des consultants et parfois d’autres organismes voués à la protection de l’environnement, travaille avec le personnel de Canfor pour cartographier des zones à haute valeur de conservation qui doivent être aménagées de façon particulière ou encore pleinement protégées.